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Questions et réponses sur la psychothérapie assistée par psychédéliques (PAP)

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Article rédigé par:

  • Tatiana Aboulafia Brakha, docteure en psychologie, titre fédéral de psychothérapeute, psychologue responsable dans le Service d’addictologie, Hôpitaux Universitaires de Genève.
  • Dr Gabriel Thorens, psychiatre et psychothérapeute FMH, médecin adjoint agrégé dans le Service d’addictologie, Hôpitaux Universitaires de Genève.

Merci à la Dre Louise Penzenstadler, psychiatre et psychothérapeute FMH, médecin adjointe agrégée, Service d’addictologie, d’avoir lancé l’idée de cet article!

Ce sont des drogues qui altèrent l’état de conscience. Cela veut dire que les choses sont senties et perçues différemment comparées à un état de conscience habituel.

Les psychédéliques peuvent induire par exemple une intensification de certaines expériences sensorielles (sensations plus fortes), ainsi que des changements de la notion du temps et de l’espace. Ces effets contribuent à modifier la perception de soi-même et des processus de la pensée.

La psychothérapie assistée par psychédéliques (PAP) est un type de thérapie qui comporte plusieurs étapes, combinant des séances classiques de psychothérapie avec des séances spécifiques pendant lesquelles la personne ingère la substance psychédélique dans un cadre médical. L’association de ces deux approches favorise un travail psychothérapeutique différent en raison des changements temporaires de certaines perceptions et des processus de pensée. Parfois, les psychédéliques permettent même le rappel de certains souvenirs. C’est comme si le traitement facilitait l’accès à certaines informations et émotions, en désactivant certains automatismes.  

Utilisée dans un cadre médical contrôlé, la PAP peut améliorer l’efficacité de la thérapie pour certains troubles psychiatriques.

Les principales substances utilisées actuellement dans la PAP sont la psilocybine (extrait de certains champignons dit champignons hallucinogènes), le LSD (diéthyllysergamide qui est une drogue de synthèse) et le MDMA (aussi connu sous le nom d’ecstasy).

Les psychédéliques agissent principalement en modifiant la communication entre certaines parties du cerveau, créant ainsi des états de conscience modifiés. La plupart de ces substances, comme la psilocybine et le LSD, influencent les récepteurs de la sérotonine, un neurotransmetteur clé dans la régulation de l’humeur, des émotions et de la perception (manière de vivre l’expérience sensorielle visuelle, auditive, tactile ou autre). En stimulant ces récepteurs, les psychédéliques perturbent temporairement les schémas de pensée habituels et créent de nouvelles connexions neuronales. Ce phénomène permet aux patients et aux patientes d’appréhender leurs expériences, souvenirs et émotions sous un angle différent, souvent plus distancié et introspectif, ce qui facilite un travail thérapeutique profond.

D’autres substances comme la kétamine (anesthésiant) sont parfois aussi utilisées en milieu clinique, bien qu’elles ne soient pas considérées comme des psychédéliques traditionnels.

Actuellement, la PAP est principalement utilisée pour la dépression résistante aux traitements classiques, le stress post-traumatique (ou PTSD), l’anxiété sévère, et dans certains cas, les addictions (par exemple à l’alcool). Ces traitements sont en général proposés dans de cadres spécifiques, pour des situations exceptionnelles (avec des autorisations accordées par des instances étatiques comme l’Office fédéral de santé publique en Suisse à la suite d’une demande formelle effectuée par un psychiatre spécialisé dans le domaine).  La PAP est aussi réalisée dans des contextes de recherche, comme des essais cliniques sous supervision médicale stricte et accord préalable des commissions d’éthique de la recherche. Les résultats de quelques études récentes indiquent que la PAP pourrait offrir une nouvelle option de traitement pour des troubles psychiatriques difficiles à soigner.

Non, il est fortement déconseillé d’utiliser des psychédéliques de son propre chef pour se soigner, car ces substances peuvent entraîner des effets imprévisibles et parfois traumatisants, surtout sans encadrement professionnel. Dans la PAP, le rôle de l’équipe médico-soignante (médecins, infirmiers, psychologues) est essentiel pour définir l’indication, préparer, encadrer et accompagner la personne tout au long de l’expérience. Sans cette supervision, les risques d’anxiété accrue, de paranoïa, ou de “bad trip” augmentent. De plus, certains troubles mentaux, comme la schizophrénie ou les troubles psychotiques, peuvent être aggravés par les psychédéliques. En bref, ces substances doivent être utilisées uniquement dans un cadre médical strict.

Les psychédéliques ne sont pas dangereux mais présentent des risques, notamment lorsqu’ils sont pris sans supervision médicale. En effet, lorsqu’on prend des psychédéliques achetés illégalement, on ne connait pas la dose ni la pureté du produit. De plus les effets dépendent beaucoup de l’état dans lequel se trouvent les individus. Les personnes peuvent expérimenter des sensations de vertige, une vision trouble, des nausées ou vomissements et des maux de tête. Par ailleurs, les psychédéliques peuvent provoquer des épisodes de confusion, de paranoïa ou d’anxiété intense. Dans tous les cas, l’automédication avec des psychédéliques est fortement déconseillée et peut comporter des dangers importants.

En revanche, dans un cadre médical et thérapeutique avec des indications définies et validées ainsi qu’un dosage défini, les bénéfices peuvent être significatifs. La psychothérapie associée à la prise de psychédéliques permet de mieux contrôler l’expérience, de préparer et d’accompagner le ou la patiente pour éviter les effets négatifs, maximisant ainsi les bénéfices thérapeutiques.

Après avoir obtenu l’autorisation pour la réalisation d’un traitement de PAP, la ou le patient rencontre un membre de l’équipe médico-soignante (médecin, infirmier ou psychologue) pour discuter de ses attentes, préoccupations et d’autres éléments permettant une bonne préparation à la prise de la substance. Le jour de la séance, la personne prend une dose contrôlée de la substance psychédélique dans un cadre sûr et rassurant. Un membre de l’équipe médico-soignante reste présent de manière discrète (par exemple derrière un paravent) pendant la durée d’action du produit ( 6 à 8 heures en fonction de la substance). Cela permet à la personne d’être guidée et accompagnée, au besoin, si des difficultés ou des questions se présentent. La plupart du temps, la personne reste en capacité d’interagir avec son environnement et notamment avec le soignant ; mais nous essayons d’interagir le moins possible pour permettre à la personne de vivre son expérience psychédélique sans interruption.

En général, le lendemain de la prise de la substance, la personne a un nouveau rendez-vous pour faire le bilan de son expérience, lui permettant d’exposer et d’analyser ce qui a été ressenti. Les sujets abordés lors de cette séance, qu’on nomme « intégration », seront repris par la suite dans la psychothérapie.

Quelques semaines après, la personne est à nouveau revue pour discuter du vécu de la séance psychédélique et des réflexions émergées autour du vécu.

Le nombre de séances nécessaires pour un traitement optimum, ainsi que leur fréquence, ne sont pas encore déterminés et dépendent de chaque personne. Les thérapeutes définissent les modalités du traitement en fonction de chaque cas.

En Suisse, la loi permet l’accès à la PAP uniquement sous forme de « traitement exceptionnel par un stupéfiant » ou « Usage compassionnel ». Un médecin qualifié doit faire une demande à l’Office fédéral de la santé publique pour chaque patient ou patiente et pour des substances spécifiques.  Si l’indication est validée, la personne peut bénéficier de ce traitement pendant une année. C’est-à-dire qu’elle peut faire quelques cycles de traitement. Du fait que la substance-médicament n’est pas enregistrée à Swissmedic (organe d’autorisation et de surveillance des produits thérapeutiques https://www.swissmedic.ch/swissmedic/fr), le traitement n’est pas remboursé par les assurances maladies.  Pour l’heure, il s’agit d’une préparation spéciale réalisée en laboratoire, à la charge du patient ou de la patiente.

Dans la plupart des autres pays comme les États-Unis ou d’autres pays en Europe, la PAP n’est accessible que dans le cadre de la recherche ou d’essais cliniques, car l’utilisation des psychédéliques reste illégale. La législation change progressivement et l’Australie a par exemple assoupli la réglementation pour le traitement par MDMA pour le Stress post-traumatique (PTSD en anglais). A ce jour, aucun psychédélique n’a encore été approuvé comme un médicament par une agence officielle.

Oui, malgré les recherches en cours, beaucoup de questions restent sans réponse. Nous ne comprenons pas encore pleinement comment les psychédéliques affectent le cerveau, ni leurs effets à long terme. Les chercheurs s’interrogent également sur le dosage optimal, les effets secondaires potentiels et les meilleures approches thérapeutiques. Les psychédéliques semblent avoir des effets prometteurs, mais une exploration plus approfondie est nécessaire pour en faire un traitement standardisé et sûr.

Tout commentaire sur cet article est bienvenu, que vous soyez directement concerné, un proche ou un professionnel de santé ! Merci pour votre contribution!

Publié par Tatiana Aboulafia Brakha

Docteure en psychologie clinique et psychothérapeute reconnue au niveau Fédéral.

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